A l’heure où les commerces français rouvrent les portes de leurs magasins sous la délicate contrainte de la distanciation sociale, analysons ce que cette période particulière a modifié dans les comportements des consommateurs et, s’il est déjà convenu de dire que le commerce de l’après-confinement ne sera plus tout-à-fait celui d’avant, en quoi celui-ci devra poursuivre sa transformation.
Une adaptation qui réinterroge l’exigence du consommateur
La période de confinement a impacté la fréquentation des points de vente physiques, du fait des limitations de déplacement.
Un certain nombre de commerces de proximité, surtout dans le secteur alimentaire, sont devenus rapidement les lieux-boussoles d’achats qui semblaient plus que jamais essentiels.
Le point notable qui a été mesuré, notamment aux Etats-Unis et en Chine, c’est que les consommateurs ont réévalué leur magasin favori selon des arbitrages qui n’ont pas uniquement favorisé la distance au domicile.
Fraîcheur des produits, fiabilité du stock annoncé, qualité du service de livraison ou de collecte de commande, facilité à passer commande en ligne ou depuis une app, sont ainsi devenus en quelques semaines autant d’exigences prioritaires à un moment où, par contrainte, l’achat se faisait moins fréquent, et donc plus rationalisé.
Ce consumérisme réfléchi, qui réinterroge ses circuits d’achat et ses priorités de dépenses, se poursuit dans l’après-confinement.
Des premiers sondages parus outre Atlantique : 67% des consommateurs annonceraient ainsi diminuer à l’avenir leur consommation de vêtements.
Cette ré-interrogation va-t-elle dévaluer les points de vente physiques des enseignes ?
C’est là l’une de leurs principales craintes actuelles, notamment là où les clients se sont mis à acheter en ligne ce qui était traditionnellement plébiscité en boutique.
Diverses analyses pensent en effet durable ce déplacement comportemental, prédisant une hausse de 6% sur le retail en ligne, et jusqu’à 13% dans le secteur du prêt-à-porter.
Le consommateur, cet être social
Rappelons-nous d’abord que le commerce exerce une fonction sociale : en consommant, nous participons à une forme d’accomplissement et de construction identitaire nécessaire à notre intime besoin d’appartenance, aligné, par exemple, avec notre classe sociale, notre culture, ou encore nos convictions.
Le magasin s’y inscrit comme lieu de lien, de rencontre, d’échange. Se rendre en magasin, c’est socialiser un peu.
Les tendances qui se sont confirmées durant le confinement (adoption massive du drive, généralisation du click&collect y compris dans les secteurs réticents, besoin de transparence, de proximité, etc.) ne révèlent pas qu’un simple besoin de réassurance en période de doute : elles confortent cette idée de resocialisation dans laquelle le consommateur veut se sentir plus proche du producteur ou du distributeur.
En reconsidérant la valeur intrinsèque du local, une appétence pour de nouveaux formats plus authentiques, à taille plus humaine, le consommateur réinvestit du sens dans son achat.
Il y apporte une nouvelle forme d’équilibre, entre facilité et accomplissement, entre confort et éthique. C’est au sein de cet équilibre de resocialisation que devrait désormais s’inscrire le point de vente.
La notion de proximité pourrait être ainsi repensée, par exemple en zones urbaines à forte densité.
La demande en location et vente de vélos y est croissante, faisant présager des transformations dans les notions de parcours et de proximité, où seraient plébiscités aussi bien les lieux de passage que ceux de destination.
L’on pourrait imaginer des drives multi-modaux, où il serait possible de retirer d’un coup de pédale un panier de produits frais préparé par un maraîcher local et les livres commandés la veille chez son libraire de quartier ; une balance de l’efficacité et de la rencontre, où le consommateur peut optimiser son temps pour mieux le prendre.
Transformer le magasin, parier sur les tendances durables
Le traditionnel espace de stockage scénarisé doit donc laisser place à de nouveaux modèles expérientiels, empreints de plus d’authenticité.
Cette mutation du commerce physique n’est pas encore aboutie partout et totalement ; c’est pourtant sous cette condition que l’équilibre précité pourra trouver sa place. La technologie y sera une alliée indispensable, pour peu qu’elle y soit réellement utile et non gadget.
Parmi les tendances solides à court terme, les outils de clienteling destinés à supporter le vendeur dans son acte de vente et sa valeur de conseil personnalisé, sont devenus incontournables.
Les points de vente qui parviennent à mettre le client, plutôt que le produit, au centre de leur attention avec ce type de technologie connaissent les meilleurs résultats.
A l’instar de certains réseaux de libraires américains, qu’on pensait à tort moribonds face à la concurrence féroce des grandes places de marché en ligne.
Une autre tendance, qui a explosé pendant le confinement, est celle du magasin au sein du magasin.
Corners, places de marché physique, ou encore réinvention du marché pour le secteur de la grande distribution alimentaire, sont autant de façons de repenser la stratégie d’emplacement.
Un appui technologique sera toutefois nécessaire si l’on veut offrir une expérience fluide, tant sur les questions de fidélité et de personnalisation, que dans la circulation d’un espace à l’autre.
Le point de collecte, qu’il soit en magasin ou hors site, figure certainement parmi les services les plus attendus. E-reservation, drive et drive piéton, casiers de retraits, etc. Toutes ces formules ont en commun d’associer la réactivité du numérique et le maintien du lien social. Les procédures de retrait doivent y être simples et rapides, pour ne pas rompre avec la praticité de la commande en ligne.
Les outils du « self » (caisses automatiques, scan & go, etc.) ont également le vent en poupe. Positionnés à bon escient dans les parcours d’achat, ils contentent un consommateur du 21ème siècle efficient et friand d’autonomie.
Comment adapter sa stratégie de moyens de paiement ?
Au cœur de ces évolutions, l’univers du paiement n’est pas en reste. De nombreuses solutions techniques sont aujourd’hui disponibles pour repenser les parcours :
L’arsenal de l’omnicanal :
Cet ensemble d’outils (click & collect, web in store, e-reservation, etc.), en apportant le digital dans le magasin, (re)place ce dernier au centre des parcours.
Qu’il en soit le point de départ, d’arrivée ou de passage, il figure ainsi un élément indissociable de l’acte d’achat.
Le développement du sans contact :
Avec un plafond relevé à 50€, le paiement sans contact a de beaux jours devant lui, en particulier chez les commerçants de proximité.
Pour qui souhaite s’affranchir du passage en caisse, on l’embarquera dans une solution de tap on phone ou une app de scan and pay.
En revanche, lorsque la caisse reste un point de contact nécessaire, à l’image des parfumeries et de leur stratégique distribution d’échantillons, on adoptera plutôt le paiement par QR Code.
L’UX intelligente :
Les investissements massifs dans le digital ont indéniablement amélioré les performances de fluidité et de praticité, mais cette médaille porte parfois à son revers l’image impersonnelle de la machine, qu’il faudra donc, elle aussi, resocialiser.
Le paiement réactif au profil émotionnel, en adaptant son affichage aux besoins de réassurance spécifiques à chaque type d’individu, personnalise l’expérience d’achat digital et lui redonne alors sens et authenticité.
L’arrondi solidaire :
En quête d’engagement, le (nouvellement ou non) consommateur citoyen est plus que jamais enclin à s’émouvoir de cette démarche.
Le commerçant qui apparaît responsable et concerné, décomplexe ainsi un achat pouvant par exemple être jugé non prioritaire ou peu éthique